Comment garder la cohésion d'une communauté qui grandit ?
Principe 8 : Cultiver toutes les échelles de sa communauté.
Hello la tribu ! ✌️
J’espère que vous allez bien ! Je ne sais pas pour vous, mais souvent après la plénitude de la pause estivale, l’année a encore une fois redémarré sur les chapeaux de roue : on lance des projets, des membres rejoignent notre équipe, la communauté s’agrandit et avec tout ça vient son lot de nouveaux défis !
Est-ce que les nouveaux membres retranscrivent bien la vision de la communauté ? Comment garder le collectif soudé malgré les divergences présentes entre les membres ? Est-ce que l’on est tout simplement pas en train de se perdre avec toute cette effervescence ?
Face à ces questionnements, on pourrait alors être tenté de tout faire pour restreindre ces divergences. Étouffer les nouvelles idées pour prôner l’hégémonie d’une seule et même voix.
Sur le papier, on peut se dire que c’est un mal pour un bien. Mais dans la réalité, c’est rarement comme cela que ça fonctionne. Au travers de mes explorations, j’ai compris que pour garder la cohésion d’un collectif, il fallait en cultiver toutes ces échelles.
C’est le sujet de ce 8° principe.
Prêt à explorer ensemble ?
⌚ Temps de lecture : 9 minutes
🗺️ LES ÉTAPES DE NOTRE EXPLORATION
Comprendre la structure fractale des collectif : chaque communauté repose sur une sous-communauté.
Nourrir les différentes échelles de sa communauté : la cohésion d’une échelle repose sur la cohésion de l’échelle inférieure.
S’inspirer des Compagnons du Devoir pour maintenir la cohésion des sous-communautés vers un cap commun.
C’est parti pour l’exploration !
REFAIRE TRIBU
Pour celles et ceux qui nous ont rejoints, je m’appelle Hugo et je suis un explorateur des communautés.
En 2023, je me suis immergé dans une dizaine de communautés en Europe pour explorer l’art de faire communauté : école dans la forêt, monastère, peuple autochtone, réseau de jeunes engagés, …
De ces immersions, j’ai analysé 10 principes essentiels pour animer un collectif. Ces principes sont les conseils que j’aurais aimé avoir avant de devenir responsable de communauté.
Vous pouvez retrouver les précédentes éditions ICI.
Et pour ne pas louper les prochaines, vous pouvez vous abonner :
📃PRINCIPE 8 : CULTIVER TOUTES LES ÉCHELLES DE SA COMMUNAUTÉ
Les communautés sont vouées à grandir.
Vous l’avez certainement déjà vécu dans vos collectifs : une entreprise qui recrute de nouveaux salariés, une association qui accueille des nouveaux bénévoles, une famille qui s’agrandit.
Les groupes sont comme des plantes, sans toujours le vouloir, elles poussent et sèment de nouvelles graines. Jusqu’à atteindre souvent une taille critique qui demande un réajustement.
Se créent alors souvent des sous-communautés au sein même de la communauté : des équipes s’organisent, des groupes d’affinité se forment, de nouvelles antennes ou filiales peuvent même émerger.
À ce moment, une peur se réveille souvent : N’est-on pas en train de perdre l’essence de la communauté en grandissant ? Et si ces sous-communautés quittaient le navire ? Ou pire, et si elles le faisaient dévier vers une direction contraire ??? 😱😱
Toutes ces peurs sont légitimes. Et en toute transparence, la plupart des communautés que je rencontre les confrontent un jour ou l’autre.
Pour y faire face, on pourrait alors être tenté, de tout faire pour effacer ces sous-communautés. Les retenir d’une main de fer afin qu’elles ne dévient pas. Les cloisonner à tout prix afin qu’elles restent attachées à la communauté globale.
Pour autant, je pense que c’est tout à fait l’inverse qu’il faut faire.
Pour garder la cohésion et l’ADN d’une communauté, il faut en cultiver TOUTES les échelles.
Mais avant d’explorer les différentes méthodes pour les cultiver, explorons un peu la structure des communautés.
Les communautés sont fractales 💎
Chaque communauté n’est formée que de sous-communautés. Et ce pour n’importe quelle échelle.
Prenez un groupe de 50 personnes, il y aura toujours des sous-groupes de 20 personnes qui se diviseront également en groupes d’une dizaine de personnes et ce jusqu’à se diviser en des trinômes voir des binômes.
Toutes ces différentes échelles sont interdépendantes.
Et ce que j’ai appris au fur et à mesure des explorations, c’est que la cohésion d’une échelle repose sur la cohésion de l’échelle inférieure.
Pour vous l’illustrer, je vous propose de nous inspirer des diamants.
Le diamant est le matériau naturel le plus dur. En termes de cohésion, on ne fait pas mieux. Il a tout simplement l'indice maximal (10) sur l'échelle de Mohs. Rien que ça !
Mais d’où provient cette dureté ?
Pour le comprendre, il faut zoomer un peu plus, passer de l’échelle macroscopique à l’échelle microscopique.
🔎 Ce qui fait la dureté du diamant, c’est sa constitution atomique si particulière :
Une structure d'atomes rapprochés : la disposition du diamant permet à chaque atome de carbone d'être lié à quatre autres atomes de carbone. Pour les chimistes, c'est la structure cristalline tétraédrique.
Des liaisons fortes et équilibrées : les atomes de carbone partagent entre eux leurs électrons de manière très équitable, créant des liaisons extrêmement fortes difficiles à rompre, ce qui contribue directement à la dureté du diamant.
Sa dureté à l’échelle macroscopique est due à sa cohésion à l’échelle microscopique.
🤔 Mais vous allez me dire : en quoi ces caractéristiques peuvent nous inspirer à cultiver les échelles de notre communauté ?
Et bien merci Fred pour la question (désolé je me prends un peu trop pour Jamy dans C’est pas Sorcier 😅).
Pour moi, les communautés sont comme les diamants. Pour maintenir leur dureté, ou plutôt leur cohésion, on peut se reposer sur :
L'existence de sous-communautés rapprochées : Comme les atomes de carbone du diamant qui se relient à 4 autres atomes, est-ce que vos membres ont des espaces qui leur permettent de se retrouver en petit comité ?
Des liens profonds et équilibrés : Est-ce que ces espaces leur permettent de se connecter véritablement avec les autres de manière équilibrée afin de créer des liens forts et intimes entre eux ?
Nourrir les différentes échelles de sa communauté🪜
Animer une communauté, c’est donc offrir de l’espace pour cultiver toutes ces échelles.
De la communauté entière jusqu’au plus petit dénominateur commun : l’individu.
Prenons l’exemple des Compagnons du Devoir, cette communauté qui forme depuis des siècles ce que l’on décrit souvent comme les meilleurs ouvriers de France.
Chaque année, ils forment environ 10 000 jeunes de 15 ans à 25 ans qu’ils répartissent en différentes sous-communautés :
Les corps de métiers, appelés Pays pour celles et ceux qui travaillent au sol (menuisiers, serruriers, boulangers, etc.) et Coteries pour celles et ceux qui travaillent sur des échafaudages (tailleurs de pierre, maçons, charpentiers, etc…) qui permettent aux compagnons de partager leurs expériences et leurs expertises.
Les provinces, qui délimitent la France à partir des anciennes régions afin de répartir géographiquement les compagnons.
Des relations interpersonnelles très fortes entre les jeunes et les Anciens (déjà reçu compagnon).
👆 Les échelles supérieures permettent de coordonner les différentes sous-communautés et maintenir un cap commun.
👇 Les échelles inférieures permettent, elles, de poser les différents piliers de la coopération (que l’on a vu dans le 5° principe) : la sécurité, la confiance et la légitimité.
Mais concrètement, comment entretenir ces espaces ? 🧑🌾
Au cours de mes explorations, j’ai développé une conviction :
Les groupes ne peuvent pas coopérer si les sous-groupes qui les constituent ne savent pas coopérer.
Et les sous-groupes ne peuvent pas coopérer si les individus qui les constituent ne savent pas coopérer.
C’est pourquoi, il est pour moi indispensable de réapprendre à coopérer avec soi pour ainsi mieux coopérer avec l’autre (et à fortiori avec le groupe).
C’est la mission que s’est donnée Huddlecraft, un organisme britannique spécialisé dans l’apprentissage entre pairs. Par chance, ils ont bien accepté de nous partager leurs plus belles pépites :
🙋 À l’échelle de l’individu :
The manual for self : un manuel pour comprendre et partager son “mode de fonctionnement”.
The Role Cards : des cartes pour définir le rôle que l’on souhaite prendre au sein de la communauté.
🧑🤝🧑 À l’échelle des binômes :
The Buddy Tools : un guide d’animation pour naviguer avec votre binôme et apprendre ensemble sur le chemin.
🧑🧑🧒🧒 À l’échelle d’un groupe :
Un guide en 11 étapes pour fluidifier les dynamiques de pouvoir d’un groupe
Maximiser le pouvoir d’agir (Power-From-Within).
Rendre transparent le pouvoir avec (Power-With).
Minimiser le pouvoir sur (Power-Over).
Garder un cap commun 🔭
Nous l’avons vu, cultiver les échelles de sa communauté est selon moi essentiel pour préserver sa cohésion et nourrir les dynamiques collectives.
⚠️ Cependant, tout cela maintient un risque : perdre l’ADN initial du collectif.
En effet, plus une communauté grandit, plus des cultures spécifiques vont émerger au sein des sous-communautés (selon les pays, les promotions, les générations, … ). Ce qui est d’ailleurs extrêmement sain, car cela renforce le sentiment d’appartenance au sein de ces échelles.
Pour autant, il est tout aussi important de veiller à la cohésion de ces sous-communautés. Nourrir un sentiment d’appartenance plus large, celui de la communauté qui les rassemble.
Pour cela, il est pour moi essentiel de :
1️⃣ Développer un socle commun universel à sa communauté.
Les Compagnons du Devoir ont une charte unique pour tous les différents corps de métier, qu’ils appellent La Grande Règle, et qui définit ce que signifie profondément de s’engager comme compagnon.
2️⃣Accompagner les sous-communautés dans l’appropriation de ce socle.
Cette Grande Règle est le socle de l’apprentissage des Compagnons. Leur parcours de formation permet à chaque jeune de venir travailler de manière personnelle les différents points de la règle pour qu’il se l’approprie.
3️⃣ Créer des moments de communion entre les sous-communautés
Les maisons des compagnons sont des lieux de vie qui rassemble différents métiers et qui proposent de nombreux événements festifs pour souder la communauté (comme les fêtes des saints patrons liés à chaque métier par exemple).
👋 DANS LES COULISSES DE REFAIRE TRIBU
Quelques nouvelles de mon quotidien d’exploration …
Pour mon plus grand plaisir, la rentrée a donné lieu au retour des interventions. Que ce soit sous la forme de conférences ou d’ateliers, ce sont toujours des superbes moments de partage. Si vous souhaitez cultiver l’art de faire tribu, c’est par ici. (Il me reste encore quelques places d’ici la fin d’année.)
Le mois d’octobre signe aussi pour moi la dernière ligne droite dans la rédaction de mon livre. Ce sera mon seul et unique objectif des 4 prochaines semaines. (Comme l’impression de faire les derniers kilomètres d’un marathon - et ce ne sont jamais les plus facile 🏃➡️) .
Pour finir, j’aimerais en profiter pour vous parler d’une initiative extrêmement inspirante organisée par une personne qui m’inspire tout autant. Clara Delétraz a lancé avec La Croix et Brut une expérience unique en France pour faire se rencontrer en tête-à-tête des gens aux opinions opposées. Ça s’appelle Faut qu’on parle . Et vous pouvez vous inscrire dès maintenant en répondant par oui ou non à 9 questions clivantes. Je vous conseille aussi de suivre sa super newsletter Ensemble(s) pour sortir de nos bulles de gens qui se ressemblent et savourer le goût des autres. Suite à son exploration terrain à la rencontre de groupes de gens que tout semble séparer et qui arrivent à accomplir des choses ensemble (jurys d’assises, conventions citoyennes, alcooliques anonymes…) , elle vient notamment de publier les 8 ingrédients qui permettent de rassembler des gens que tout oppose a priori.
C’est la fin de cette édition. Je vous remercie de m’avoir lu ! 🙏
Si vous souhaitez me soutenir, vous pouvez :
Écrire en commentaire vos conseils, vos ressources ou vos expériences. (Vous pouvez aussi le faire par mail pour les plus timides).
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On se retrouve dans un mois pour le 9° principe : “Raviver des feux de camp”.
D’ici là, prenez soin de vous ! 😉
Hugo
De la matière à réflexion pour maintenir diversité et cohésion dans les communautés en ligne... merci Hugo pour le partage!